Une maison bien à eux
"Avril 1926. Un aperçu de notre première demeure. Dawson."
Yukon Archives: #7895
Le 23 août, après que le couple fut installé dans leur nouvelle maison, à Dawson, depuis à peine plus d’une semaine, Claude écrivit à la sœur de Mary:
Bien, bien! Nous sommes enfin chez nous, chez nous, Anna! Quel merveilleux mot, n’est ce pas? Il y a tant d’années que je n’ai pas connu ce que c’est que d’avoir une maison, moi qui passé tellement de temps, au cours des 15 dernières années, dans des cabanes, des tentes et autres abris semblables — laisse moi te dire que notre maison ici m’apparaît comme un coin de paradis. (91-112 f. 2, MSS 365 23 août 1925)
Ensemble, le couple explorait le milieu sauvage aux environs de Dawson. Mary, déclara t il à Anna, "est parfaitement heureuse". Cependant, la situation allait bientôt changer.
Groupe sur une scène à Dawson. Mary passa plusieurs soirées à répéter au sein de productions locales durant les premiers mois de son mariage.
Yukon Archives: #8518
Tandis que Dawson déclinait, des efforts désespérés étaient déployés pour maintenir le tourbillon social qui avait animé les jours de gloire de Dawson. Cela exigeait des compromis. Par exemple, comme le révéla Mme Berton, les simples agents et les sous officiers n’avaient pas été considérés, auparavant, comme suffisamment haut placés pour être invités aux grands bals, ou à prendre part aux activités sociales ayant lieu dans certaines demeures. Les hommes devenant trop peu nombreux, on finit par convenir que mieux valait la présence de policiers de tous rangs aux divers bals, que l’absence de tout policier à ceux ci. Il est probable que Mary, qui était la femme d’un sous officier, fut consciente de ce préjugé persistant. Quoi qu’il en soit, elle trima dur pour garder sa maison impeccable et satisfaire aux exigences sociales et mondaines, ce qui l’amena à jouer au curling dans la ligue des femmes et à s’intéresser au théâtre local.
L'orchestre de Dawson, 1926. Claude se trouve dans la dernière rangée, à l'extrême droite. Son ami Andrew "Cruiky" Cruikshank est dans la première rangée, deuxième à partir de la droite.
Yukon Archives: #7608
Claude, qui s’était fait un nom et taillé une place dans la bonne société Dawsonienne bien avant que Mary ne vienne le rejoindre, se sentait plus à l’aise au sein de cette collectivité. Il mettait ses talents de musiciens au service de la vie nocturne, mais aussi de l’église. Excellent patineur, il aimait aussi prendre part aux activités sportives locales. La photographie lui donnait de la notoriété, si bien que cet emploi secondaire lui permettait d’exécuter les commandes que lui passait régulièrement sa clientèle de Dawson.
Mary avec l'attelage de chiens.
Yukon Archives: 91/112 #416, PHO 606
Les meilleurs moments que Mary connut durant cette période furent, sans surprise, à l'écart de Dawson, sur les chemins avec son mari et les chiens, ou dans une petite cabin, une sortie de fin de semaine vers laquelle ils glissaient en traîneau...
Les pressions sociales devinrent trop fortes sur Mary, qui retourna à Fort Yukon au printemps de 1926 afin d’être soignée par le Dr Burke, sans doute pour une dépression. Pendant sa convalescence à Fort Yukon, elle exprima des regrets et se mit à douter d’elle même. Elle s’interrogea sur sa décision d’épouser Claude et mit en doute ses mérites à titre d’épouse. Ce fut certainement l’un des moments les plus noirs de la vie de Mary. Sa maladie poussa Claude à demander d’être muté dans un poste plus éloigné, loin des rigueurs sociales de Dawson. En mars, ils apprirent que sa démarche avait été couronnée de succès.
Mary évoquera plus tard l’après midi où Claude courut à la maison lui annoncer la nouvelle de sa mutation:
Chérie, on nous envoie à l’avant poste de Ross River. Le commandant a signé l’autorisation ce matin. Nous nous embarquerons sur le bateau The Thistle, qui voyagera sur la rivière Pelly à l’ouverture de la navigation en juin. ((Life in the Yukon, p.13)
Sa vie fit demi-tour en un instant:
Ross River! J’étais moi aussi au comble de l’excitation. Nous en avions rêvé, c’était notre chance de vivre une vie d’aventure bien à nous, une vie libre de toutes les contraintes artificielles de la vie sociale trop organisée de la ‘demi ville fantôme’ de Dawson. (Life in the Yukon, p.13)
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